À perte de vue

Corps et âmes imperméables
N’attendez plus la maladie
Pour sortir de la gangrène, du déni

Arrachez vos œillères
Ouvrez grands vos yeux

Regardez en face
La violence invisible, corrosive
qui habite, l’histoire de nos archives

Sous mes paupières défilent un battements d’images
Souvenirs, flashs
Kourou, chant d’oiseaux, coassement des grenouilles
Tortue, aras, singes hurleurs, silhouettes célestes

Obnubilés par vos satellites placés en orbite
Vous regardez ailleurs. Quand tout est ici

Les mains moites
Vos chemises transpirent le goudron
Substance huileuse, visqueuse
Odeur forte et âcre

Zone de lancement
Ville fantôme, ville fabriquée
Air conditionné
Vapeur de chiffres
Substances toxiques
Gaz douteux
Que la chaleur étouffe vos ardeurs

Que l’orage
Vous donne le courage
D’abandonner
Idées surannées
Rêves en béton armé
Fantasmes d’asphalte, de pétrole
De conquêtes, d’expansions

Nuages de kérosène
Revêtement de goudron
Coulis noirâtre versé sur la forêt
Arbres abattus
Que cette époque soit révolue
Que les lianes s’immiscent
Dans vos tours de béton
Jusqu’à ce qu’en bas, le bitume
Tombe en putréfaction

Dossiers griffés
Moquettes souillées
Inondation
Vomissements en fusée
Décrépitude, décadence, vie
Que le vert recouvre le gris

Cicatriser les plaies
Plaies à vif
Lésions, entailles
Que la sève soigne coups et blessures

Revenir à la base
Réunion de margouillats
Rassemblement d’iguanes
Kwata, paresseux
Parades d’ibis rouges
Discours de toucans toco
Bataillon de ramboutans
Faune, flore, forêt
Renaitre, guérir

Un jour viendra, freiner la cadence
dévier votre trajectoire
Atterrissage, mort, vie

Apprendre à écouter
Le vent, les esprits de la forêt
Apprendre à regarder la brume
Ne plus s’accaparer. La terre, le vivant, les étoiles
Soigner soigner soigner

Laissez nos yeux envisager le monde, à perte de vue
Laissez nos yeux admirer le ciel, sans limites et sans fin
Pour que nos regards tranquilles
À nouveau, vagabondent

Que vole en éclat le patriarcat
Ici et ailleurs
Partout
Sur terre
Dans l’univers